Le confort et l'illusion
Nos sociétés continuent de fonctionner comme si les valeurs et les codes de la Modernité avaient encore le moindre sens …
Nos contemporains ne souhaitent, en aucun cas, sortir de leur confort de vie et ils traitent de "Cassandre", de "catastrophistes" ou, en France, de "néo-réacs" tous ceux qui leur montrent et démontrent que leur monde "moderne" est mourant et qu'un nouveau monde avec d'autres codes, valeurs et références, est en train d'émerger à toute vitesse.
La paradigme créé par les humanistes (16e s.), développé par les rationalistes (17e s.), idéologisé par les "Lumières" (les criticistes) (18e s.), théologisé par les positivistes (19e s.) et exacerbé par les nihilistes (20e s.) s'effondre sous nos yeux, usé, obsolète, incapable d'assumer la réalité du monde nouveau porté par les pénuries de ressources et le délire démographique, par la révolution numérique, par le modèle des réseaux, par l'économie de la valeur et de l'immatériel, et par l'éthique du sens et de l'intériorité.
Pour nos contemporains, leur confort de vie, aussi factice et artificiel soit-il, est leur priorité numéro un ; le monde peut s'écrouler et donner raison au punks et à leur "no future", ils n'en ont rien à fiche. Mon premier livre de prospective a été écrit en 1984 (et il prévoyait l'effondrement de l'empire soviétique) ; depuis, le message de fond quant à l'effondrement de la Modernité et au passage à l'ère noétique, est resté assez stable, mais l'urgence se fait de plus en plus pressante. Rien n'y fait. On me dit de plus en plus souvent : "Vous avez raison", mais rien ne change dans la façon quotidienne de vivre de ceux-là mêmes qui me donnent raison.
La caste de ceux qui sont lucides et qui assument la mutation paradigmatique que nous vivons, forme une aristocratie intellectuelle et éthique que les masses crétinisées et lobotomisées, gavées de confort et d'hyperconsommation, d'audio-visuel au ras de la boue et de médiocrités ludiques en tous genres, sont incapables de comprendre et de suivre. C'est ainsi. Le grand moteur de l'évolution humaine a toujours été et sera toujours : Panem et circenses ("du pain et des jeux" ou, plus actuel, "du McDo et du Foot").
Les politiciens professionnels et carriéristes ont alors beau jeu de préserver leur fond de commerce suicidaire à grands coups d'anesthésiants sociaux et d'antalgiques économiques qui coûtent des fortunes aux contribuables, mais qui confortent leur illusion de confort.
Tant que l'illusion démocratique prévaudra et que les masses couronneront les illusionnistes du confort factice, l'humanité subira son avenir et ne pourra pas assumer son destin.
Comme le proclame mon ami breton Alain Glon :
"On ne peut plus, tels des bœufs, suivre des ânes."
Marc HALEVY, 8/11/2015