Les intelligences
L'intelligence émotionnelle, qui est aussi relationnelle, est l'intelligence du corps. Elle a été trop longtemps négligée par nos cultures cartésiennes et mécanistes, idéalistes et religieuses. Mais elle est loin d'être l'apanage de la génération Y qui, à bien des égards, est plus souvent dans l'égotisme forcené et le narcissisme nombriliste (le "selfie" et les tatouages en sont de bons symboles) que dans l'émotion réelle. Il ne faut pas confondre se faire plaisir - en paraissant et en se faisant voir et remarquer - et cultiver sa joie. Il ne faut pas confondre hédonisme et eudémonisme. Bref.
Outre l'intelligence émotionnelle qui touche toutes les formes de reliance, corporelle ou matérielle ou charnelle, à soi et au monde - donc, aussi, aux autres -, il faut encore cultiver les intelligences du cœur (esthétique), de l'esprit (noétique) et de l'âme (métaphysique). Ne nous laissons pas impressionner par les mots et leur sens technique. Eclairons.
L'intelligence esthétique du cœur vise l'harmonie, l'équilibre et la beauté dans toutes les dimensions de la vie intérieure comme extérieure ; par exemple, elle induira des organisations fondées sur la simplicité et des comportements construits sur l'élégance.
L'intelligence noétique de l'esprit cherche la connaissance, l'idée et la rigueur, elle aussi, dans toutes les dimensions de la vie intérieure et extérieure ; par exemple, elle tentera - collaborativement - la compréhension, tant analytique qu'holistique, des systèmes qui s'imbriquent et s'intriquent pour former le monde réel de manière à mieux entrevoir les chemins des possibles dans les champs de l'impossible.
L'intelligence métaphysique, enfin, est d'essence plus spirituelle et intentionnelle ; elle vise le partage d'un projet commun, d'une aventure collective, d'un enthousiasme et d'une passion qui donnent du sens à l'existence au quotidien.
Il y a donc quatre dimensions d'intelligence et il en sort des myriades de modalités d'expression. Il faut se méfier des réductions simplistes.
Comme souvent avec les modes managériales, gagne-pain des consultants et autres coaches en mal de clientèles, le danger de réductionnisme est omniprésent. Le Réel est toujours beaucoup plus riche et complexe que tous les modèles où l'on tente, en vain, parfois avec violence, de vouloir le faire entrer de force. La mode de l'intelligence émotionnelle n'échappe pas à ce risque.
Marc Halévy, 8/12/2015