Le machinisme est une tragédie
Le machinisme pose problème. On croit généralement qu'il est ou l'indice, ou le vecteur, ou la preuve du "progrès". Il n'en est rien. L'outil, toujours, reste au service de l'homme (même une arme), mais la machine, elle, réclame que ce soit l'homme qui soit à son service. Si l'outil prolonge l'homme, la machine le remplace ; mais elle le remplace mal, puisqu'elle élémentarise tout et tout le monde pour les placer à son très médiocre niveau. La technologie lamine et appauvrit, et on la laisse faire sous le prétexte fainéant qu'elle "facilite" la vie. Par elle, tout devient sommaire, élémentaire et binaire.
Elle sacrifie le qualitatif sur l'autel du quantitatif. Le bien, le beau, le bon disparaissent au profit du beaucoup. Toute l'infâme révolution industrielle tient en ces quelques mots-là. Et avec elle, la révolution démographique, la colonisation, le pillage et le saccage de la Nature (il faut bien, n'est-ce pas, nourrir et faire vivre confortablement ces milliards de crétins inutiles et barbares qui peuplent désormais le moindre recoin de notre petite Terre). Même l'espérance de vie est devenue quantitative et ne se mesure plus en joies, mais en années.
Du machinisme sont nés le quantitativisme, la religion du chiffre, l'idolâtrie du nombre, de la masse, de la "croissance".
On a oublié la révolte des Luddites et des Canuts, on passe, en souriant de mépris, à côté de ces coups d'arrêt temporels que sont le hassid juif et le amish chrétien ; c'est dommage. Il est urgent de déquantifier la vie car le nombre, qu'il soit statistique ou comptable, est neutre, il déresponsabilise de tout.
Dès 1945, Georges Bernanos écrivait, dans son pamphlet si mal intitulé "Le France contre les robots" :
"On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure."
Exaltation de l'extériorité quantitative (le paraitre, la socialité, la nation, la citoyenneté, la réussite, la notoriété, les honneurs, l'avoir) et relégation de l'intériorité qualitative (le devenir, la spiritualité, le sens, l'accomplissement, le destin, la joie).
Les Lénine, Hitler, Mussolini, Staline, Mao, Pol-pot, Khomeiny et tant d'autres apparemment moins infects (Ford, Rockefeller, Mitterrand, les Kennedy, les Bush, Obama, …) ne sont que des éruptions purulentes et particulièrement nauséabondes d'un grand corps rempli de pus, contaminé dès 1750 par une maladie létale appelée financiaro-industrialisme.
Le 19ème siècle commença autour de Philadelphie entre 1777 et 1783 … il se termina en 1914 en enfantant le 20ème du nom, qui fut le plus absurde, le plus sanglant, le plus cruel et le plus meurtrier de tous, et qui meurt trop lentement sous nos yeux éteints par tant de larmes.
Ces deux siècles-là, enfants de cette pseudo-philosophie dite des "Lumières", ont détesté et dévasté la Vie ; ils l'ont combattue, au nom de l'Homme, sur tous les fronts, sous toutes les latitudes, dans toutes les directions pour instaurer, partout, le règne de la Mort minérale et métallique, le règne de la machine et de l'argent, le règne du pillage et du saccage universel.
Ces deux siècles-là ont été une tragédie, une effroyable erreur ; est-elle encore effaçable ?
Marc Halévy, 27 avril 2015.