L'analyse marxienne : une absurdité
Pour Karl Marx, l'économie se réduit à la fabrication de produits par la rencontre de trois facteurs : le travail, l'outil et la matière. De là, sa vision binaire du monde avec, d'un côté, le capital censé fournir outil et matière, et, de l'autre, le prolétariat apporteur de travail physique. Et, bien sûr, il en tire la conclusion immédiate qu'il ne peut qu'y avoir conflit majeur entre capital et travail, le capital n'ayant, selon lui, de cesse que d'exploiter le travail afin de maximiser son profit.
Car tout le problème marxiste est là : dans la répartition "juste" du surplus financier entre prix de vente et prix de revient. Ce surplus, en effet, sert, selon lui, à deux choses : payer le salaire des prolétaires et rémunérer les capitaux et les risques des entrepreneurs. Rejetant avec mépris ce qu'il est convenu d'appeler le "paternalisme" des entrepreneurs qui, par humanité ou par calcul, estiment qu'il est de leur intérêt de bien rémunérer les travailleurs ne serait-ce que pour les maintenir en bonne santé et en bonne forme productive, et les rendre capable d'acheter leurs produits, Marx décrète une guerre inéluctable entre ce qu'il appelle les classes sociales : le prolétariat qui travaille et la bourgeoisie qui possède. Et il en tire la seule conclusion logique de son point de vue : puisque seul le travail a valeur et que le capital n'est que du travail volé et accumulé, il convient de confisquer outil et matière à leurs propriétaires afin de les "rendre" aux prolétaires ; c'est le fondement du communisme.
Cette binarité artificielle entre prolétaire et propriétaire, purement liée aux activités industrielles, rejette dans les limbes toutes les autres catégories sociales comme celles des paysans, des artisans, des commerçants, des fonctionnaires, des savants, des enfants, des étudiants, des femmes au foyer, etc … Tout cela, pour Marx, compte pour du beurre. Sans sa binarité simpliste, tout son modèle s'effondre sauf, comme continue de le faire les derniers dinosaures marxistes, à assimiler artificiellement tout ce qui n'est pas "bourgeois" à la classe des exploités, opprimés et aliénés. Tout cela est factice et nie la complexité réelle des sociétés humaines.
Macro-économiquement, le modèle est donc simplement faux ; on vient de le voir. Mais micro-économiquement, il est, de plus, absurde.
Ce qui précède suffit à prouver que Marx - comme tous les socialistes et gauchistes actuels - n'a pas la moindre idée du fonctionnement réel d'une entreprise quelle qu'elle soit.
Il la réduit à du travail physique, à un outil de production et à de la matière première. Ce ternaire est très largement insuffisant pour rendre compte de la réalité de l'entreprise.
Considérons d'abord que le "capital" nécessaire pour financer l'outil et la matière procède de deux sources antagoniques : l'entrepreneur qui apporte des fonds propres et des garanties personnelles (et qui donc se met en danger et attend d'en être récompensé), et le financier qui peut être soit des actionnaires qui misent, soit des banquiers qui prêtent. Il est utile de remarquer qu'à l'époque actuelle, ce sont les économies de tous, donc aussi celles des prolétaires, qui alimentent, à la fois, les circuits boursiers et les circuits bancaires au départ des dépôts et placements qu'on en fait. Les "prolétaires" sont donc devenus massivement capitalistes et "bourgeois".
Mais au-delà du financement de son outil et de ses matières, l'entreprise réquisitionne d'autres facteurs indispensables à son activité. On peut en répertorier quatre.
La volonté entrepreneuriale qui induit le projet , la vocation et la mission de l'entreprise, qui alimente le courage d'entreprendre et de persévérer, qui allume la passion et l'enthousiasme envers un métier, une aventure humaine, une intention collective.
Le génie qui stimule toutes les formes d'intelligence et de talent afin d'inventer, de concevoir, d'organiser, d'optimiser toutes les facettes de l'entreprise.
La culture qui fonde le style, les valeurs, l'éthique et les comportements spécifiques de l'entreprise, son "âme" ou sa personnalité en quelque sorte, et qui repose sur la mémoire accumulée des expériences vécues au fil des ans.
Le marché qui permet d'écouler les produits et services que la conjonction des six autres facteurs permet de produire.
Ni la volonté, ni le génie, ni la culture, ni le marché ne peuvent être réduits à du travail, à de l'outil ou à de la matière. L'argent des financeurs est impuissant face à eux. Ni la volonté, ni le génie, ni la culture, ni le marché ne s'achètent au grand magasin de l'économie réelle. Chacun de ces quatre facteurs appartient en propre à celui qui le porte et ne peut jamais être cédé à quiconque. Sauf à user de violence et de coercition, ni les marchés ni les valeurs n'appartiennent à quiconque, et la volonté et le génie sont des trésors individuels incessibles.
A tout ceci, il faut ajouter l'apport de la révolution numérique qui, très largement, sort le travail, qu'il soit ouvrier ou administratif, de la sphère humaine. L'automatisation et la robotisation réduisent à presque rien le travail physique ou administratif humain.
De même, l'avènement de la Toile transforme radicalement la fonction de commercialisation qui établissait le pont entre l'entreprise et le marché ; autrefois, ce pont était construit par des vendeurs qui partaient à la rencontre des clients potentiels, armés des outils fournis par le marketing et de l'image construite par la publicité. Aujourd'hui, la Toile relègue le vendeur aux oubliettes : l'acheteur, devenu adulte, cherche et trouve lui-même, sur la Toile, la réponse à ses besoins.
Autrement dit, très généralement, la numérisation de l'économie fait que le facteur travail et le facteur outil en viennent à se confondre l'un avec l'autre. Et, bien sûr, cette fusion réduit à néant toute la thèse marxienne.
Le facteur humain, dans le monde économique, n'intervient plus que sous les espèces de la volonté et du génie c'est-à-dire sous celles de l'entrepreneur (qui ose par désir et passion), de l'ingénieur (qui invente et conçoit) et du manager (qui organise et optimise).
Plus profondément, de plus en plus, cette volonté et ce génie, cette passion et ces talents, ce désir et ces savoir-faire deviennent collectifs autant qu'individuels. Ils constituent le capital immatériel de l'entreprise qui est devenu son capital le plus stratégique, le plus précieux, le plus porteur d'avenir. Les capitaux financiers deviennent secondaires. Souvent utiles, mais toujours secondaires.
Ajoutons enfin que la raréfaction généralisée de toutes les matières premières accélère le basculement de l'économie et la notion même de richesse, de leur base matérielles, centrale pour Marx, vers de nouvelles dimensions largement immatérielles.
La richesse, pour Marx, était exclusivement matérielle et se réduisait à l'argent (la plus-value, la valeur ajoutée, le profit, le prix, le salaire, le pouvoir d'achat, etc …) qu'il fallait partager avec "justice". Le problème n'est plus là. La définition de la richesse englobe, déjà à présent, bien d'autres dimensions que la seule dimension financière. Il faut y intégrer d'urgence la joie, le bonheur, la connaissance, la reconnaissance, la reliance, la confiance, etc …
De Marx que faut-il retenir ? Techniquement, rien ! Sa notion de "classe sociale" est purement factice, et sa binarisation sociétale démentie radicalement par les faits. Le prolétariat, cela n'existe tout simplement pas. Il n'y a pas ceux qui travaille et ceux qui possède : tout le monde travaille (et les "travailleurs" souvent bien moins que les autres) et tout le monde possède, selon des répartitions gaussiennes bien classiques. Son regard sur l'entreprise est celui de quelqu'un qui ne connaît rien à l'entreprise, qui n'y a jamais mis les pieds (Marx a vécu toute sa vie aux crochets de Engels, lui-même entretenu par un père banquier). Marx invente une société qui n'existe pas et en tire une idéologie absurde qui ne vaut rien.
Ce qu'il faut cependant retenir de Marx : que les ignorants adorent croire en des fables même (et surtout) lorsque celles-ci sont en plein déni de réalité ; que ces ignorants deviennent facilement les militants d'un rêve puéril ; que ce rêve devient vite un cauchemar et que ces militants deviennent des tyrans d'autant plus sanguinaires que la réalité s'obstine à démentir leur modèle simpliste.
Ce qu'il faut retenir de Marx ? Deux cents millions d'assassinats idéologiques en quatre-vingts ans de dictatures diverses !
Se dire marxiste aujourd'hui est infiniment encore plus grave et condamnable que se dire nazi.
Hitler, chantre du socialisme national, est un tueur débutant face à Marx, chantre du socialisme international.
Le socialisme/populisme est une maladie mentale grave !
Marc Halévy, 25 mars 2015.