Mathématiques & Physique
Les mathématiques ne sont pas une science et ne possèdent aucun caractère intrinsèque de vérité. Elles ne sont que le fruit d'un jeu subtil et complexe entre une méthode logique dont on peut inventer de nombreuses variantes, et d'un ensemble de conventions artificielles (des définitions axiomatiques) dont on peut aussi faire varier les contenus à l'infini.
Il faut continuer à parler des mathématiques au pluriel car il y a une infinité de mathématiques possibles dont chacune ressortit d'un lot particulier de postulats - logiques et axiomatiques - choisis arbitrairement parmi un ensemble infini et contradictoire de postulats possibles.
Il ne faut donc plus s'étonner, comme le firent bien des philosophes et des physiciens, du fait que l'univers physique "colle" si bien avec les mathématiques. Il faut plutôt prendre conscience que l'univers physique étant ce qu'il est - et très largement inconnu, dans ses fondements, de l'homme -, il y a toujours moyen de choisir parmi l'ensemble infini des mathématiques possibles, une variante des mathématiques qui "colle" plus ou moins bien avec la perception particulière que l'on a de l'univers réel à un moment donné.
Le problème n'est donc pas de mathématiser la physique (c'est toujours possible en choisissant convenablement la mathématique particulière que l'on va mettre en œuvre) ; le problème est de savoir si la mathématisation de la physique a un intérêt c'est-à-dire si elle fournit un langage qui permette à la physique de progresser.
Ce fut le cas des mathématiques cartésiennes pour la physique de Galilée et Newton. Ce fut le cas, jusqu'à un certain point aujourd'hui dépassé, des géométries riemanniennes pour la relativité générale d'Einstein. Les espaces de Hilbert ont été féconds lors des balbutiements du formalisme de Dirac en physique quantique. Ce n'est plus du tout le cas des théories des groupes de symétrie dans l'imbroglio de la physique des "particules élémentaires" où la mathématisation se révèle un handicap plus qu'un apport.
Enfin, la physique des processus complexe - encore appelée physique des émergences -, parce qu'elle nie, dans son essence, tout principe de conservativité, d'additivité et d'analycité, ne pourra pas trouver, dans l'arsenal des mathématiques, toutes construites sur ces principes fondateurs, de chaussure à son pied … sauf dans quelques cas suffisamment simplifiés et idéalisés pour être compatibles avec une mathématique additive, conservative et analytique.
Faut-il donc renoncer à mathématiser l'univers physique ? Sans doute. Au moins dans la compréhension fondamentale que l'on peut en avoir qui se construit de plus en plus selon un mouvement intuitivo-inductif et non plus selon la voie logico-déductive chère aux mathématiciens.
Les mathématiques, demain, ne seront plus le "langage de Dieu" pour la conception fondamentale de l'univers réel, mais bien le langage des ingénieurs chargés de construire des applications techniques d'une physique fondamentale édifiée dans d'autres langages - encore à inventer ...
Marc HALEVY, 19 décembre 2015.