Contre toutes les idéologies
L'idéologie s'insinue partout, jusqu'en sciences, jusqu'en arts. Elle récupère tout, soit pour contrôler et piloter, soit pour condamner et avilir. Qu'est-ce qu'une idéologie sinon un idéalisme concret, projeté sur la sphère humaine et ses multiples dimensions ?
Toujours ce refus invétéré du Réel tel qu'il est et va, et l'aspiration à l'Idée que l'on se ferait d'une monde humain, idéal et parfait, qui, pourtant, sera trop simpliste, trop étriqué, trop réducteur pour avoir la moindre chance de fonctionner et d'intégrer l'infinité floue des variables du Réel. C'est pour cela que toute idéologie, lorsqu'elle en a l'occasion, se mue mécaniquement en totalitarisme et ne se maintient en place que dans et par la violence de ses flics et de ses prisons.
Ce fut le cas du catholicisme, du révolutionnarisme, du jacobinisme, du bonapartisme, du marxisme, du communisme, du fascisme, du nazisme, du socialisme ... comme c'est encore le cas de l'américanisme, du droit-de-l'hommisme, du financiarisme, du progressisme, ...
Depuis Platon, l'Idée induit un ordre figé, achevé, immuable dans sa perfection indépassable. L'Idée est une essence et, en tant que telle, ne peut être en devenir.
L'Idée ne peut être vivante ; elle est donc morte, momifiée, formolisée, fossilisée à jamais. L'Idée est ainsi ennemie de la Vie. Toute idéalisme, toute idéologie sont des postures de mort, qui ne visent qu'à statufier le monde et l'homme dans une image d'Epinal grotesque et stéréotypée.
J'entends d'ici la ritournelle gauchiste habituelle : l'anti-idéologie est une idéologie comme les autres. Faux ! Une pensée, une conviction, une croyance, une philosophie, une éthique ne ressortissent pas nécessairement d'une idéologie. Il n'y a idéologie que par application de deux critères : son caractère figé et son caractère totalitaire. Ce doit être "comme ça, pour toujours et pour tout le monde !". Rien, jamais, n'est comme ça pour toujours et pour tout le monde ; l'histoire de la pensée a maintes fois démontré que toute doctrine est condamnée à être sempiternellement dépassée dans un cheminement infini.
L'impermanence est la seule permanence.
Toute religion est une idéologie et toute idéologie est une religion. Et Jean clair, dans la "Revue des deux mondes", de nous mettre en garde : "(...) le 21ème siècle sera le siècle des guerres de religion". Le Califat, spectaculaire, odieux, mais anecdotique, ne fait qu'ouvrir le bal. Il y en aura bien d'autres. A commencer par cette guerre déjà insidieusement à l'œuvre partout, entre l'ancien paradigme et le nouveau paradigme, entre américanisme et sino-européanisme, entre social-étatisme et communalisme, entre financiaro-industrialisme et néo-artisanat, entre matérialisme et spiritualisme, entre salariat et indépendantat, entre modèle pyramidal et modèle réticulé, entre science mécaniste et science holistique, etc ...
Marc HALEVY, 13 février 2016.