Il n'y a pas d'intelligence artificielle
Répétons-le, comme une fleur artificielle n'est pas une fleur, l'intelligence artificielle n'est pas une intelligence.
Un ordinateur, c'est trois choses : des données encodées ou captées selon des protocoles définis humainement au travers de logiciels de saisie, des puissances de calcul (bips) ou de transmission (bauds), et des algorithmes plus ou moins sophistiqués et subtils, inventés et programmés par des intelligences humaines.
L'ordinateur se contente d'exécuter mécaniquement et servilement ce qui lui est imposé par l'homme, sans avoir la moindre idée ou conscience de ce qu'il fait.
Un ordinateur est une mécanique rudimentaire qui additionne des 0 et des 1. Point barre.
Les fantasmagories journalistiques en quête de sensationnel bas de gamme, ne cessent, malheureusement, d'alimenter la mythologie numérique et transhumaniste.
Ainsi, lorsque la presse titre : "Il utilise sa main artificielle par la seule force de son esprit", il faut décoder et démystifier : son moignon est connecté à une main artificielle par les nerfs qui commandaient, naguère, sa main réelle. Dans la main artificielle, il y a une batterie de logiciels qui "attendent" passivement des impulsions électriques de commande venant de ces nerfs branchés sur eux. Le cerveau, alors, peut apprendre à envoyer la bonne impulsion pour activer telle au telle fonction programmatique avec une certaine intensité ; le cerveau, en s'entraînant, parvient à utiliser de mieux en mieux la mécanique de cette batterie de logiciels exactement comme le nouveau-né apprend progressivement à activer et contrôler les réflexes musculaires de ses mains et de ses pieds, ou apprend progressivement à décoder les images floues et bizarres que lui envoie sa rétine.
Le cerveau apprend à commander, à piloter, à doser, à décrypter les outils mécaniques que la nature ou la technique mettent à sa disposition. C'est le cerveau qui apprend intelligemment ; la main artificielle n'a aucune intelligence.
De même, la fougue journalistique écrit : "Il transmets son code secret par télépathie à l'écran de l'ordinateur". Faux. Il n'y a nulle télépathie là-dedans. Il y a des caméras et un logiciel qui, ensemble, mesurent la loucherie des deux pupilles du regard lorsque la personne vise un point de l'écran. Sur cet écran sont affichés les dix chiffres à des endroits précis. Selon l'endroit visé par le regard pendant quelques secondes, l'ordinateur en calcule, mécaniquement, que la personne regarde fixement l'endroit où est placé le chiffre 9, par exemple. Et ainsi de suite pour les autres chiffres du code secret.
Dans les deux cas, il n'y a que du mécanique.
Avec un ordinateur quel qu'il soit, la relation ne sera jamais que, et ne pourra jamais être que mécanique, c'est-à-dire du niveau le plus bas de complexité et le plus haut d'inintelligence, quel qu'en soit le degré de complication et de sophistication des algorithmes humains nécessitant d'énormes puissances de calcul.
Ce n'est pas un ordinateur, sous bannière AlphaGo de Google, qui a battu le maître de go Fan Hui ; c'est un algorithme humain associé à une très grosse puissance de calcul.
Un algorithme que l'on a fait jouer contre lui-même pendant de longs moments de façon à ce qu'il fasse énormément de parties et qu'il les ait en mémoire.
Du côté de l'ordinateur, il n'y a rien d'intéressant : une puissance de calcul et une capacité de mémoire énormes, c'est tout.
Ce qui est intéressant là-dedans, c'est l'intelligence (humaine) de l'algorithme et la pertinence des méthodes algorithmiques au-delà des méthodes classiques (analytiques et holistiques) de résolution de problèmes. Tout cela n'a rien à voir ni avec le numérique, ni avec l'ordinateur.
Tout engin numérique (ordinateur, réseau, robot, …) repose sur trois éléments : du data (sa ressource), des bips/bauds (sa puissance) et des algorithmes (son savoir-faire plus ou moins sophistiqué).
Les data ne sont pas seulement une masse de données brutes ; elles sont aussi les historiques de ses données et les liens structurels et temporels entre elles.
Les bips/bauds symbolisent l'ensemble de tous les dispositifs hardware, satellitaires, hertziens, filaires etc … qui permettent le traitement, le stockage et la transmission de tous les objets numériques.
Les algorithmes sont des structures mathématiques, inventées par l'homme, qui permettent d'engendrer les programmes logiciels qui, eux-mêmes, permettent la gestion des réservoirs, des flux et des transformations des datas.
Aujourd'hui, il existe un vide juridique abyssal : personne ne contrôle les datas, personne ne gère les bips/bauds et personne ne maîtrise les algorithmes.
L'univers numérique est un univers de non-droit où les barbares sont les maîtres.
Marc Halévy, avril 2016.